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Les salles Labrouste et Ovale :
deux poumons de la Bibliothèque nationale

 

 

Le vaste et complexe ensemble architectural constituant le quadrilatère Richelieu comprend de nombreux départements et espaces intérieurs variés. Tous recèlent des trésors esthétiques et techniques qui en font des fiertés de notre patrimoine national : que l’on pense à la galerie Mazarine ou au cabinet du roi et ses décors peints par Boucher, Van Loo et Natoire. Mais il est deux espaces en particulier qui déterminent l’identité du lieu depuis la fin du XIXe siècle et contribuent à son immense renommée : la salle Labrouste et la salle Ovale.

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C’est au milieu du XIX e siècle, dans un contexte de rivalité avec l’empire britannique, quel’empereur Napoléon III initie un chantier de taille destiné à moderniser la Bibliothèque, alors impériale, afin d’en faire un modèle bibliothéconomique à l’image du British Museum de Londres. En 1854, Henri Labrouste, qui vient d’attacher son nom à la reconstruction de laBibliothèque Sainte Geneviève, est nommé architecte de la Bibliothèque impériale. La première étape de sa mission le conduit en Angleterre où il étudie avec soin le modèle proposé par le British Museum.

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La salle Labrouste : pour une bibliothèque de recherche grandiose
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Le projet que Labrouste conçoit comprend deux parties alors bien distinctes : la salle de travail du département des imprimés accueillant les chercheurs ou « travailleurs sérieux dûment autorisés » et le magasin central destiné à la conservation des ouvrages. Le premier espace est constitué d’une structure métallique indépendante de la maçonnerie. Seize colonnes en fonte permettent de soutenir neuf coupoles percées d’oculi qui apportent une lumière zénithale uniforme dans la salle, évitant le recours à un éclairage artificiel au gaz, véritable danger pour les collections.

 

Un hémicycle où se tiennent les bibliothécaires crée une zone-frontière face au magasin central. Ce dernier, avec une surface au sol de 1218 m², contient quatre niveaux de rayonnages superposés, dont les planchers métalliques à claire-voie permettent une nouvelle fois de faire pénétrer la lumière naturelle qui traverse le toit vitré jusqu'au rez-de-chaussée.

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Au fil du temps, des niveaux supplémentaires sont construits, par Jean-Louis Pascal dès 1893 puis par Michel Roux-Spitz dans les années 1930 qui ajoute sept niveaux, en sous-sol et au-dessus, pour répondre au développement et à l’accroissement de la collection des imprimés.

 

De nombreux travaux apportent progressivement des solutions nouvelles, comme l’éclairage électrique, et reconfigurent les espaces, masquant ou détruisant certaines parties originelles.

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Un espace patrimonial au service des chercheurs
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En 1983, l'historien de l'art André Chastel, figure centrale de la création du futur Institut national d’Histoire de l’Art, tourne son regard vers un nouveau modèle : les bibliothèques de recherche américaines. Dans un rapport, il évoque la nécessité nouvelle de rendre une partie des collections libres d’accès pour faciliter le travail de recherche. Ainsi au cœur du projet de rénovation du quadrilatère Richelieu, le chantier de restauration des espaces historiques conçus par Labrouste se fonde sur un équilibre entre la valorisation du patrimoine architectural et les enjeux liés aux usages scientifiques.

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Sous la supervision de l’architecte en chef des Monuments historiques Jean-François Lagneau, le cabinet de Bruno Gaudin effectue une proposition à la fois audacieuse et respectueuse. Les structures originelles des espaces de lecture et de conservation, masquées par de nombreuses reconstructions, sont restaurées et entièrement rendues visibles aux chercheurs qui ont désormais accès à la salle de lecture mais également à trois étages du magasin central. 150 000 ouvrages parmi les collections imprimées sont désormais à portée de main et 82 nouvelles places assises permettent de s’installer dans cette partie conçue par Labrouste. A l’entrée, Bruno Gaudin a choisi de conserver un objet témoin de l’évolution des usages et des espaces : la très belle centrale d'expédition des pneumatiques, système utilisé à partir de 1935 pour accélérer la transmission des demandes des documents.

 

La salle Ovale : un lieu de lecture pour tous
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Dès le chantier engagé sous le Second Empire, la Bibliothèque n’était pas seulement destinée à un public de chercheurs. L’écrivain Prosper Mérimée, alors inspecteur des Monuments historiques, est chargé de diriger la commission dédiée à la réorganisation complète de la Bibliothèque impériale. Son rapport donne le ton du décret du 14 juillet 1858 qui entérine le projet et prévoit la création de deux salles de lecture au département des imprimés : l’une réservée à un public de spécialistes et l’autre, ouverte à tous, même les soirs et les dimanches, caractéristique d’un projet de lecture populaire.

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Ces deux salles ouvrent en juin 1868. Cependant, si la « salle de travail » nouvellementconstruite par Henri Labrouste bénéficie de ce que nous appellerions aujourd’hui une excellente couverture de presse, il n’en va pas de même pour la « salle publique de lecture», « ouverte à tout venant même le dimanche » dont l’inauguration, dans les locaux de l’ancienne salle de lecture unique des Imprimés, passe à peu près inaperçue.

Cette « salle publique », aussi appelée « salle B », qui possède sa propre entrée au numéro 3 de la rue Colbert, rencontre néanmoins un vif succès est très fréquentée. Initialement ouverte pour « l’ouvrier désireux d’approfondir les connaissances de son métier », ou le « curieux désireux de s’instruire », elle accueille de plus en plus d’étudiants, qui ne sont pas admis dans la salle de travail. Une première fois rénovée sous

l’administration de Léopold Delisle, ses locaux deviennent de plus en plus vétustes au début du XXe siècle tandis que le bien-fondé d’une salle de lecture entièrement publique à la Bibliothèque nationale se trouve contestée. Elle ferme définitivement ses portes en 1935.

 

Dans l’intervalle, sous l’administration de Léopold Delisle, la Bibliothèque nationale a enfinréussi à acquérir les maisons formant l’angle des rues Colbert et Vivienne. Un quadrilatère autonome peut alors se constituer. Cependant, les avis divergent sur l’utilisation de ce nouvel espace récemment acquis. Sera-t-il affecté à une salle publique de lecture, un espace d’exposition, une salle des périodiques ? Un ambitieux projet est confié à l’architecte Jean-Louis Pascal et les travaux démarrent en en 1897. Comme Henri Labrouste, c’est en Angleterre qu’il trouve l’inspiration, cette fois-ci à la Bibliothèque libre de Birmingham. Il envisage une immense salle ovale de 43,70 mètres sur 32,80 mètres et 18 mètres de hauteur, destinée à accueillir quatre cents lecteurs et soixante à quatre-vingt mille volumes. Les plans comme les aménagements et décorations intérieurs n’ont rien à envier à la salle Labrouste. Une verrière ornée d'entrelacs de feuilles d’acanthes dorées et la partie supérieure de l’ovale, percée de seize oculi vitrés entourés de mosaïques, permettent à la lumière d’éclairer aussi bien la salle de lecture que les trois étages de rayonnages en galerie et le magasin en sous-sol, grâce à un système de dalles de verre. Les arcades constituant l’ovale sont rythmées par seize paires de colonnes cannelées, à chapiteaux ioniques, en fonte, qui rendent l’ensemble particulièrement grandiose.

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De l’isolement à l’ouverture
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Au fil des travaux, les objectifs du projet se modifient en raison des difficultés de fonctionnement auxquelles la bibliothèque est confrontée. Les chercheurs, utilisateurs de la salle Labrouste, signalent des conditions de consultation des périodiques intenables. Il leur faut parfois plusieurs mois pour consulter revues et articles. La décision est alors prise en 1916 de transformer la salle publique en espace moderne de consultation des périodiques. Alfred Recoura, successeur de Pascal à partir de 1912, se charge du nouveau projet et la salle des périodiques ouvre aux spécialistes en 1936. Elle conserve cette fonction jusqu’au départ des imprimés pour le site Tolbiac en 1998. Le lieu devient alors un temps la Bibliothèque d’art et d’archéologie Jacques Doucet, avant que celle-ci n’occupe finalement la salle Labrouste à la création de l’INHA.

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Laissée inusitée, la salle est repensée par le projet Richelieu de restauration et rénovation des espaces du quadrilatère qui prend alors le parti de renouer avec l’ambition initiale d’ouverture au public. Bruno Gaudin conçoit ainsi un nouvel aménagement dédié à l’accueil de tous.

Poursuivant l’objectif d’une véritable bibliothèque publique, il prévoit un fonds de plus de 20 000 volumes proposés à la lecture. Pour ancrer les lieux dans le présent et s’adapter aux nouveaux usages et objectifs, notamment d’accessibilité du patrimoine, la salle Ovale est également un espace de visites, proposant des supports de médiation numérique destinés à faire découvrir les collections historiques de la bibliothèque.

Le chef de projet Cheng Pei rappelle ainsi que les travaux de rénovation du quadrilatèrecontribuent pleinement à redonner leur identité à ces deux espaces emblématiques que sont la salle Labrouste et la salle Ovale, poumons du site Richelieu, qui permettent l’accueil, la cohabitation et les échanges entre deux types de publics, également essentiels à la vie de la BnF.

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Sources : 
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Magasin Central des Imprimés - Bibliothèque Impériale, photographie de Louis-Émile Durandelle, 1888, source Gallica

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Bibliothèque nationale de France. Salle Labrouste. 7 avril 2016. ©JC.Ballot - OPPIC - BNF

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Coupe suivant le grand axe de la salle ovale, dessin de Pascal, 1892, source : BnF

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La salle ovale - 2003 © DP Carr / BnF

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Bibliothèque impériale, Plan général du premier étage, dessin d’Henri Labrouste, 1868, source Gallica

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